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Y a-t-il une volonté de tuer les militants dans la répression des mouvements sociaux en 2023 ?

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L’année 2023 a commencé dans un contexte de lutte massive et répétée contre la réforme des retraites. Depuis l’annonce de l’utilisation du 49-3 par le gouvernement pour faire passer le texte le 17 mars, les manifestations et actions parallèles à celles appelées par l’inter-syndicale se sont multipliées. Et ce parce qu’un grand nombre de militants se sont joints au mouvement, qui était d’abord une lutte sociale, mais qui s’est transformée en lutte démocratique suite à l’utilisation du 49-3 pour faire passer le texte pourtant refusé par une importante majorité de la population. Alors que le nombre de manifestants ne faiblit pas malgré 9 journées de grève, la répression, elle, s’endurcit et devient de moins en moins contrôlée et proportionnée.

La répression policière des manifestations nous amène dans certains lieux et évènements à nous demander sérieusement s’il y a une volonté de tuer les militants.

Sans s’attarder sur les faits, qui ont été largement diffusés et vus, il est quand même important de rappeler que la police a notamment bloqué volontairement le 25 mars l’accès à une ambulance à Sainte-Soline lors d’une manifestation contre le projet des mégabassines, alors qu’elle devait secourir un militant dans un état critique, d’après un rapport d’observateurs de la Ligue des droits de l’homme.

Des armes de guerre aux BRAV-M : la répression par l’assassinat ?

Les armes dites « non létales » utilisées pour réprimer les manifestations le sont en fait, et cela a pu être constaté depuis plusieurs années, avec la mort de Rémi Fraisse en 2014 (tué par une grenade de desencerclement), et les nombreuses victimes qui ont suivi. Ainsi le fait de refuser volontairement le secours à une personne grièvement blessée est d’abord indigne et scandaleux, mais révèle aussi une volonté de laisser mourrir les militants. Plus inquiétant, des armes de guerre sont utilisées dans la répression des manifestants comme la grenade GM2L classée comme arme de catégorie A2 et donc comme « arme de guerre » massivement utilisée lors de la manifestation contre les mégabassines.

De plus, le rétablissement de la BRAV-M (brigade de répression des actions violentes motorisée) par Emmanuel Macron sous l’impulsion du préfet Lallement pour assurer la répression des Gilets jaunes nous amène à cette même question. Celle-ci avait été dissoute en 1986 sous l’appellation de « voltigeurs » suite à la torture et au meurtre de Malik Oussekine. Le rétablissement d’une telle brigade ne peut pas ne pas tenir compte des événements tragiques passés auxquels ils sont liés. Cela fait évidemment écho à cette phrase du philosophe Hegel qui affirme que « l’expérience et l’histoire enseignent que peuples et gouvernements n’ont jamais rien appris de l’histoire ».

Un discours politique guerrier et mensonger pour légitimer la violence

Et c’est le gouvernement lui-même qui autorise et surtout légitime une telle violence. En effet, lorsque le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin affirme au grand public le 27 mars, sur un plateau TV, qu’un millier de militants participent à des manifestations « dans la volonté de casser et tuer des policiers », il inquiète, divise, et légitime les violences policières, même extrêmes. En affirmant que des manifestants ont l’intention ou la volonté de « tuer des policiers », il inquiète non seulement ces derniers, mais leur donne surtout une légitimité à tuer, si cela est fait dans le cadre de la « légitime défense ». Car oui, un grand nombre de policiers seraient prêts à tuer pour protéger leur vie. Ce n’est pas ça qui pose en soi un problème, mais leurs comportements avec leurs concitoyens qui n’ont eux pas la volonté de les tuer.

Les manifestants n’ont pas la volonté de tuer des policiers. En effet, si une haine grandissante de la police se montre depuis plusieurs dizaines d’années maintenant, aucune volonté de tuer des policiers ne s’est encore manifestée. La France est l’un des pays les plus armés du monde et pourtant nous n’avons constaté dans aucun mouvement social qu’un manifestant avait utilisé (ou ne serait-ce qu’amené) une arme de chasse par exemple. Ainsi, lorsque les manifestants affrontent les forces de l’ordre, c’est avec ce qu’ils ont sous la main (pierres, barrières, poubelles, déchets) ou avec ce que leur donnent les forces de l’ordre elles-mêmes (grenades lacrymogènes, balles en caoutchouc de LBD…) et non avec un équipement préparé et plus dangereux. Une citation de Nelson Mandela illustre bien ces affrontements :

 C’est toujours l’oppresseur et non l’opprimé qui détermine la forme de lutte. Si l’oppresseur utilise la violence, l’opprimé n’aura d’autre choix que d’utiliser la violence. 

Enfin, en plus d’être légitimée et invitée, la violence policière est largement autorisée par le gouvernement et les institutions. En effet, le procès du meurtre de Rémi Fraisse s’est clos sur un non-lieu et toutes les violences policières commises depuis sont largement couvertes par la justice, l’IGPN (l’organisme censé contrôler et encadrer les actions policières), et le gouvernement lui-même. Et ce même si des vidéos permettent de prouver que la légitimité et la proportion (qui définissent le cadre de la « violence légitime ») ne sont pas du tout respectées.

Si l’institution policière et l’entièreté du système répressif d’Emmanuel Macron sont aujourd’hui mis à mal, c’est le fruit d’une lutte menée sur tous les fronts. Et cela mérite une réflexion sur la classe dominante dans ce rapport de force. Aujourd’hui Gérald Darmanin (ancien militant du groupuscule d’extrême droite Action française) est au ministère de l’Intérieur pour défendre une idéologie de la répression au dépend des civils, auxquels ne s’ajoutent que mensonges et fourberies.

Jusqu’où ira-t’on ?

Dorénavant, les prochaines manifestations seront marquées par le sceau d’une police de plus en plus oppressante, au service d’un gouvernement écrasant le droit constitutionnel et s’asseyant sur la séparation des pouvoirs.

La question initiale est volontairement laissée ouverte parce que nous ne sommes pas encore prêts à concevoir une telle situation, bien que plusieurs dérives risquent de nous y mener et ce, peut-être très prochainement. Cependant, le raisonnement et la réflexion amenés par cette question sont intéressants car si de tels actes de la part de la police et de tels propos de la part du gouvernement ne sont pas faits et dits en ce but, une explication et une justification de ceux-ci sont alors indispensables. A l’heure où nous ne pouvons plus compter toutes les victimes de la barbarie policière et macronienne, nous exigeons une justice et une revue des méthodes de gouvernance et de répression !

Réflexion de jeunes de 17 et 18 ans (87)


P.-S.

Cet essai est le fruit d’un court travail de réflexion de fond, ce qui explique l’absence de nombreux faits qui pourraient apparaître ou de développement de certains propos…